Le monde en phase de globalisation, alors qu’il s’apprête à faire un pas décisif au-delà des limites de la modernité et des temps modernes, découvre soudain que, dans de nombreuses régions du monde, la modernité n’est pas encore vraiment été établie, et que les temps modernes ne sont toujours pas advenus. Apparaît alors le soupçon que peut-être, dans ces sociétés non-occidentales, l’avènement de la modernité au sens européen – et habituel – du terme, n’est pas possible du tout, et que les temps modernes n’adviendront peut-être même jamais. On prend alors exactement conscience de ce qu’est le facteur civilisationnel, porteur de l’ensemble de ses attributs pré-modernes. Et si ce facteur se révèle suffisamment puissant et stable, alors la logique historique occidentale, marquée par le progressisme, la linéarité et l’universalisme, sera neutralisée. La théorie du monde multipolaire suggère d’agir de la sorte, et de passer d’une compréhension linéaire de l’histoire à une compréhension cyclique, de basculer d’un temps global et universel de l’humanité à des trajectoires et des voies spécifiques, particulières à chaque civilisation, entrelacées les unes aux autres dans un environnement complexe, dont les schémas sont en constante évolution.